J’ai rassemblé quelques citations des pères de l’Eglise sur la
divinisation de l’homme tirées de l’ouvrage du théologien orthodoxe Jean
Claude Larchet « La divinisation de l’homme selon St maxime le
Confesseur » paru aux éditions du cerf.
Le christianisme permet à
l'homme vivant exilé, et décentré par rapport à Dieu qui est le Centre
de toute réalité, de réintégrer son lieu d’origine dès maintenant, en
revêtant le Christ, le bon berger venu chercher ses créatures. Par son
incarnation nous donne, en effet, la possibilité de participer à la
communion Trinitaire, au banquet céleste figuré dans l'icône de Roublev.
http://rouen.catholique.fr/spip.php?article243
Si
la divinisation est réellement possible c’est parce que Dieu a pris une
nature humaine qu’il a divinisé et qu’il nous offre en rechange de
l’ancienne qui est corrompue. C’est donc parce qu’il y a de la place en
Dieu pour autre chose que Dieu, que la divinisation de l’homme est
possible.
Comme l’occident a eu tendance à oublier les pères de
l‘Église et à ne retenir de St Augustin que son insistance sur le pêché
originel, ce qui a pu donner une vision triste de l'incarnation et de la
crucifixion, la doctrine de la divinisation de l’homme permet de jeter
un autre regard sur l’incarnation.
Intégré réellement et non pas
métaphoriquement dans le Christ par le baptême, l’homme devient un
christ qui participe de la divinité du Christ. Cependant l’homme ne
devient pas Dieu par nature mais par grâce.
"Félicitons-nous
donc, et rendons grâces à Dieu de ce que nous sommes devenus non
seulement des chrétiens, mais le Christ lui-même.
Comprenez-vous,
mes frères, appréciez-vous dignement la grâce que Dieu nous fait en
devenant notre chef ? Soyez dans l’admiration, réjouissez-vous, nous
sommes devenus le Christ ! Car s’il est notre chef, nous sommes ses
membres; nous composons, lui et nous, son humanité tout entière." St
Augustin Traité St Jean 21
Catéchisme art 1265 Le Baptême ne purifie
pas seulement de tous les péchés, il fait aussi du néophyte " une
création nouvelle " (2 Co 5, 17), un fils adoptif de Dieu (cf. Ga 4,
5-7) qui est devenu " participant de la nature divine " (2 P 1, 4),
membre du Christ (cf. 1 Co 6, 15 ; 12, 27) et cohéritier avec Lui (Rm 8,
17), temple de l’Esprit Saint (cf. 1 Co 6, 19).
art 1272 Incorporé
au Christ par le Baptême, le baptisé est configuré au Christ (cf. Rm 8,
29). Le Baptême scelle le chrétien d’une marque spirituelle indélébile
(" character ") de son appartenance au Christ. Cette marque n’est
effacée par aucun péché, même si le péché empêche le Baptême de porter
des fruits de salut (cf. DS 1609-1619). Donné une fois pour toutes, le
Baptême ne peut pas être réitéré.
Quelques citations bibliques
Jean 10:34 Jésus leur répondit: "N'est-il pas écrit dans votre Loi: J'ai dit: vous êtes des dieux?
Acte
17:28-29 Ainsi donc, étant de la race de Dieu, nous ne devons pas
croire que la divinité soit semblable à de l'or ou à de l'argent
2
P 1:4 et nous a ainsi communiqué les grandes et précieuses grâces
qu’il avait promises, pour vous rendre par ces grâces participants de la
nature divine.
Ga 3:27 Vous tous, en effet, qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ
Ga 2:20 et si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi.
Luc 17:21 le royaume de Dieu est en vous
St Ignace d’Antioche (35-110)
"Vous
êtes donc aussi tous compagnons de route, porteurs de Dieu et porteurs
du temple, porteurs du Christ, porteurs des objets sacrés, ornés en tout
des préceptes de Jésus-Christ. "
St Irénée de Lyon (130-202)
"Car,
de même que ceux qui voient la lumière sont dans la lumière et
participent à sa splendeur, de même ceux qui voient Dieu sont en Dieu et
participent à sa splendeur." Contre les hérésies L IV
"Jésus-Christ
notre Seigneur, lui qui, à cause de son surabondant amour, s'est
fait cela même que nous sommes afin de faire de nous cela même
qu'il est." L V
"Ceux à qui il dit : «J'ai dit : Vous êtes des
dieux, vous êtes tous des fils du Très-Haut. » Il s'agit de ceux qui ont
reçu la grâce de la filiation adoptive par laquelle « nous crions :
Abba, Père ». L II
Le thème de l’adoption filiale est déjà mis chez lui en rapport avec la divinisation.
St Clément d’Alexandrie (150-220)
« Le Logos de Dieu est devenu homme, afin qu’à vous encore ce soit un homme qui apprenne comment un homme peut devenir dieu. »
« Il
nous gratifie de l’héritage paternel, réellement grand et divin, et
inamissible, divinisant l’homme par un enseignement céleste »
« Réalisons
la volonté du Père, écoutons le Logos, écoutons la vie réellement
salutaire de notre sauveur. Pratiquons dès maintenant la vie céleste,
selon laquelle nous sommes divinisés, recevons l’onction de joie
toujours jeune, du parfum de pureté, en considérant le mode de vie du
Seigneur comme un exemple éclatant d’incorruptibilité et en suivant les
traces de Dieu »
J-C Larchet ajoute que « cette pédagogie doit
conduire le fidèle de la foi à la gnose »(1) , celle-ci, selon St
Clément « se terminant dans la charité, unit ensuite l’ami à l’ami, le
connaissant au connu »
« l’assimilation au Sauveur Dieu est échue au gnostique devenu parfait autant qu’il est permis à la nature humain »
L’eucharistie
permet aussi de « recevoir le Christ lui-même si nous le pouvons, de Le
déposer en nous, de mettre le sauveur dans notre coeur »
Cependant Clément rejette toute assimilation totale. Dieu et l’homme restent ce qu’ils sont.
(1)
« Gnose » (gnôsis) terme aujourd’hui très suspect signifie science ou
connaissance. Il fut utilisé par les pères grecs pour désigner la
science spirituelle et est encore aujourd’hui utilisé par les
théologiens orthodoxes dans un sens chrétien.
Origène (185-253))
« le noûs (intellect ou esprit) est déifié en ce qu’il contemple »
« L’intellect
qui s’est purifié et élevé au dessus de toutes les choses matérielles
pour avoir une vision nette de Dieu est déifié par sa vision »
« Dieu
est donc le Vrai Dieu. Les dieux qui sont formés d’après lui sont comme
les reproductions d’un prototype ; mais d’autre part l’image archétype
de ces multiples images, c’est le Verbe qui est auprès de Dieu, qui
était dans le principe, qui, parce qu’iI est auprès de Dieu, demeure
toujours Dieu. »
Origène ne font commet pas non plus l’erreur de
penser que l’homme devient un dieu par nature. Pour lui c’est bien par
grâce que l’homme est élevé au dessus de sa nature.
Ainsi
commente-il le verset 1 J 2:29 (Si vous savez qu'il est juste,
reconnaissez que quiconque pratique la justice est né de lui) : « ces
paroles ne signifient pas que le Christ nous élève à la nature de Dieu,
mais qu’Il nous communique sa grâce et nous confère sa propre dignité. »
St Athanase (298-373)
La théologie de la divinisation est au cœur de sa doctrine qui lie l’incarnation à la divinisation.
« L’union
(l’incarnation) c’est ainsi faite pour qu’a la nature divine fût unie
la nature humaine, et que la salut et la déification de celle-ci fussent
assurés. »
« il n’y a rien qui advienne qui ne soit opéré par le
Logos dans l’Esprit ». Aussi la sanctification « vient du Père par le
Fils dans le St Esprit »
« c’est dans l’Esprit que le Logos glorifie la création et, en la déifiant et l’adoptant, la conduit au Père ».
Lui aussi distingue le Fils par nature, Jésus Christ, et ceux qu’ils divinisent et à qui Il permet de devenir fils par grâce.
« Un
seul est Fils par nature; nous autre nous devenons également fils, non
toutefois comme lui par nature et en vérité, mais selon la grâce de
celui qui nous appelle. Tout en étant des hommes terrestres nous sommes
appelés dieux. Non pas comme le Dieu véritable ou son Verbe, mais comme
l’a voulu Dieu qui nous a conféré cette grâce »
St Macaire (?-391)
« Le
seigneur est venu pour changer et recréer nos âmes, pour les faire
participer à la nature divine (2P1:4) comme il est écrit, pour donner à
notre nature une âme céleste, à savoir l’Esprit de la divinité, pour
nous conduire vers toute vertu, afin que nous puissions vivre de la vie
éternelle »
« Les chrétiens reçoivent le feu qui les fait briller
d’une unique nature, celle du feu divin, du Fils de Dieu. Il est écrit
en effet : C’est pour cela qu’il a été appelé Christ pour que chrismés
de la même huile que Lui, nous devenions des christs, ayant pour ainsi
dire la même essence et le même corps que Lui. En effet il est dit
encore : (He 2:11)celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés, tous
ont même origine ; et ceci « la gloire que tu m’as donnée, je la leur ai
donné »
Comme d’un seul feu sont allumés beaucoup de lampes, ainsi
les corps des saints, étant membres du Christ, doivent devenir ce qu’est
le Christ ».
St Cyrille d’Alexandrie (376-444)
La
doctrine de la divinisions trouve chez lui selon Larchet sa pleine
formulation. D’ailleurs, l’idée que le Christ est venu déifié l’homme et
l'unir à Dieu est tellement évidente pour lui qu’elle constitue un
argument en faveur de la divinité du Christ. Il pose, en effet la
question « si le Logos de Dieu est une créature, comment sommes nous
unis à Dieu et déifiés par l’union à Lui ? »
C’est le contact
avec la nature divine qui permet la divinisation de la nature humaine.
« Comme le fer mis en contact avec le feu, prend immédiatement la
couleur de celui-ci, de même la nature de la chair, après avoir reçue en
elle le Logos divin, incorruptible et vivifiant, ne resta plus dans la
même condition, mais devint exempte de la corruption. »
L’eucharistie
aussi déifie : « En recevant en nous corporellement et spirituellement
celui qui est le Fils véritable et par nature, substantiellement uni au
Père, nous sommes glorifiés en participant et en communiant à la nature
suprême »
« Nous devenons participants de la nature divine, et
pour cela nous sommes dits nées de Dieu et appelés dieux. Ce n’est pas
seulement par la grâce que nous sommes élevés à cette gloire
surnaturelle; c’est que nous possédons Dieu habitant et demeurant en
nous … Nous sommes les temples de Dieu, selon St Paul, parce que
l’Esprit habite en nous."
St Grégoire de Nazianze (329-390)
Si
l’Esprit ne doit pas être adoré, comment me divinise-t-il par le
Baptême ? Et s’il doit être adoré, ne doit-il pas être l’objet d’un
culte particulier ? (S. Grégoire de Naz., or. theol. 5, 28 : PG 36,
165C). (cité dans le catéchisme art 2670)
St Grégoire de Nysse (331-394)
Le baptisé « après s’être dépouillé de lui-même revêt la nature divine ».
St Basile (329-379)
Comme
pour St Cyrille, l'idée que le Christ se soit incarné pour réintégré
l'homme à Dieu est évidente, et il se servira donc cette doctrine pour
défendre la divinité du Christ et du St Esprit.
« Comme les corps
limpides et transparents, lorsqu’un rayon les frappe, deviennent eux
aussi transparents, et d’eux-mêmes reflètent un autre éclat, ainsi les
âmes qui portent l’Esprit, deviennent elles spirituelles… »
"De
même que le fer placé au milieu du feu ne cesse pas d’être du fer, mais
qu’enflammé par son très violent contact avec le feu, il recoit en
lui-même toute la nature du feu et par la couleur et l’action s’est
changé en feu, de même les puissances saintes de par leur communion avec
Celui qui est saint par nature une sanctification qui a pénétré toute
leur hypostase (personne) et leur est devenue connaturelle. Mais voici
la différence entre elles et l’Esprit Saint : chez lui la sainteté est
nature, tandis qu’il leur est accordé d’être sanctifiés par
participation."
A propos des trois docteurs cappadociens, St
Basile, St Grégoire de Nazianze et St Grégoire de Nysse, il faut
rappeler ce qu’a écrit Jean Paul II dans Orientale Lumen :
"L'enseignement
des Pères cappadociens sur la divinisation est passé dans la tradition
de toutes les Églises orientales et constitue une partie de leur
patrimoine commun. Cela peut se résumer dans la pensée que saint Irénée
avait déjà exprimée au II e siècle : de sorte que ce Fils de Dieu
deviendrait Fils de l'homme pour qu'à son tour l'homme devînt fils de
Dieu (14). Cette théologie de la divinisation demeure une des
acquisitions particulièrement chères à la pensée chrétienne orientale
(15). "
Pseudo Denys (Vè siècle)
On accède chez lui à une véritable mystique de la divinisation, et qui plus est, insérée dans un contexte liturgique.
L’Eglise
et les sacrements sont totalement pensés comme le lieu de la
divinisation. L'activité liturgique étant déifiante elle est donc
indissociable de la vie mystique.
« Mais notre salut n’est
possible que par notre déification. Et nous déifier, c’est ressembler à
Dieu et nous unir à lui au tant que nous le pouvons »
« Elle
assuma (la Bonté Théarchique, Dieu le Verbe) de la façon la plus
authentique tous les caractères de notre nature, à l’exception du péché;
elle s’unit à notre bassesse sans rien perdre de a propre nature, sans
subir aucun mélange, sans souffrir aucun dommage, Elle nous accorda
comme à des rejetons des propre race d’entrer en communion avec elle et
de participer à sa propre beauté. C’est ainsi, comme l’enseigne la
sainte tradition, qu’elle nous permit d’échapper à l’empire de légions
révoltées, non par la prévalence de sa force, mais, selon la mystérieuse
révélation des Ecritures, par un jugement et selon la justice.
Dans
son oeuvre de bonté, elle opéra une totale transmutation de notre
nature. Notre intelligence était encombrée de ténèbres et informe; elle
la remplit d’une bienheureuse et divine lumière, elle l’orna de beautés
conformes à sa nature déifiée. En assurant le salut de notre essence
presque entièrement déchue, elle délivra la demeure secrète de nos âmes
des passions maudites et des souillures malfaisantes. Elle nous révéla
enfin que, pour nous élever spirituelle ment vers l’au-delà et pour
vivre en Dieu, il nous fallait nous assimiler pleinement à elle, autant
qu’il est en notre pouvoir. »
Le baptême véritable mort mystique donne la vie en Dieu, c’est-à-dire une subsistance divine.
Le
baptême, en effet, conformément au symbolisme de l'eau dans l'AT qui
détruit et récrée ou guérit, "fait du néophyte une création nouvelle"
comme il est écrit dans le catéchisme.
« Etre déifié, c’est faire
naître Dieu en soi ; personne, par conséquent, ne saurait comprendre,
ni moins encore ni moins encore mettre en pratique les Vérité reçues de
Dieu s’il ne lui a été donné d’abord de subsister divinement. »
« C’est
ainsi qu’ayant vaincu toutes les opérations et toutes les substances
qui font obstacle à sa déification, en mourant au péché par le baptême,
on peut dire mystiquement qu’il partage la mort même du Christ. »
L’eucharistie aussi déifie :
« Tout
d’abord initions-nous pieusement au privilège de ce sacrement qui se
voit attribué de préférence à tous les autres un caractère commun à tous
les sacrements hiérarchiques, puisqu’on l’appelle tout simple ment
communion, et que toute opération sacramentelle consiste bien à unifier
en les déifiant nos vies dispersées, à rassembler dans la conformité
divine tout ce qui en nous est divisé, à nous faire entrer ainsi en
communion et en union avec l’Un. »
Benoît XVI dans une catéchèse de 2008
""Nous
voyons également tout le réalisme de cette doctrine. Le Christ nous
donne son corps dans l'Eucharistie, il se donne lui-même dans son corps
et il fait de nous son corps, il nous unit à son corps ressuscité. Si
l'homme mange le pain normal, dans le processus de la digestion, ce pain
devient partie de son corps, transformé en substance de vie humaine.
Mais dans la sainte Communion, se réalise le processus inverse. Le
Christ, le Seigneur, nous assimile à lui, nous introduit dans son Corps
glorieux et ainsi, tous ensemble, nous devenons son Corps.
Parce
que le Christ nous donne réellement son corps et fait de nous son
corps. Nous devenons réellement unis au corps ressuscité du Christ, et
ainsi, unis l'un à l'autre. L'Église n'est pas seulement une corporation
comme l'État, c'est un corps. Ce n'est pas simplement une organisation,
mais un véritable organisme. ""
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