jeudi 22 mars 2012

Remarques sur la théologie de l'icône

Certes, l’icône n’a pas de réalité propre ; en elle-même, elle n’est qu’une planche de bois ; c’est justement parce qu’elle tire toute sa valeur théophanique de sa participation au “tout-autre” au moyen de la ressemblance, qu’elle ne peut rien enfermer en elle-même, mais devient comme un schème de rayonnement. L’absence de volume exclut toute matérialisation, l’icône traduit une présence énergétique qui n’est point localisée ni enfermée, mais rayonne autour de son point de condensation.


C’est cette théologie liturgique de la présence, affirmée dans le rite de la consécration, qui distingue nettement l’icône d’un tableau à sujet religieux et trace la ligne de démarcation entre les deux. (…) Une œuvre d’art est à regarder, elle ravit l’âme ; émouvante et admirable à ses sommets, elle n’a pas de fonction liturgique. Or, l’art sacré de l’icône transcende le plan émotif qui agit par la sensibilité. (…) L’artiste s’efface derrière la Tradition qui parle, les icônes ne sont presque jamais signées ; l’œuvre d’art laisse place à une théophanie ; tout spectateur à la recherche d’un spectacle se trouve ici déplacé ; l’homme, saisi par une révélation fulgurante, se prosterne dans un acte d’adoration et de prière. (…)


L'icône est donc un sacramental à même titre que le signe de croix ou le Nom de Jésus. Ce sont des symboles spirituels , c'est à dire, "des signes matériels de la présence du monde spirituel" comme l'écrivait Vladimir Lossky.

Une église aussi devrait être ressemblante, signifiante et donc rayonnante pour l'âme comme cela à toujours été le cas, mais un iconoclasme d'un nouveau genre qui cherche consciemment ou inconsciemment à effacer le transcendant de notre esprit par la laideur et la banalité a décidé qu'il fallait construire des église ressemblantes à des bunker ou à des sales de spectacles et que le rite, lui même symbolique dans le sens le plus réaliste du terme, devait se transformer en kermesse.

Les formes symboliques quand elles sont signifiantes expriment le monde spirituels comme le remarque St Maxime le Confesseur :
Citer:
Le monde intelligible tout entier apparaît imprimé mystiquement dans le sensible en des formes
symboliques pour ceux qui savent voir, et le monde sensible tout entier est contenu dans l’intelligible selon l’esprit et simplifié dans des concepts. Il est en lui par ses concepts, et celui-ci est en celui-là par ses représentations5

http://www.abbaye-liguge.com/uploads/115.pdf


Pour en revenir au sujet premier, un théologien russe du 19è siècle St Jean de Cronstadt expliquait : "A cause de notre corporéité le Seigneur lie, pour ainsi dire, sa présence et se lie Lui-même à la matérialité, à un signe visible . (...) Le Seigneur lie sa présence au temple, aux icônes, à la croix, au signe de croix, à Son nom composé de sons intelligibles, à l'eau bénite, au pain et au vin."
Ce qu'Hilarion Alfeyev (l'évêque orthodoxe très engagé dans le dialogue avec l'Eglise catholique) commente simplement ainsi : "les symboles sacrés ont une composante extérieure - -une substance matérielle- et une composante intérieure qui est Dieu." (Le Nom grand et glorieux ed cerf)

Non pas que la chose matérielle soit Dieu, il faut exclure tout panthéisme, mais le symbole matériel constitue un moyen de présence par lequel Dieu se rend présent à nous, ou plutôt, car Dieu est infini et donc partout, qui nous permet en le contemplant (le symbole) ou en le vivant avec foi (dans le cas de symboles comme le signe de croix ou le Nom de Jésus) de nous rendre présent à Lui.
Le symbole c'est donc quelque chose de réaliste et donc ontologiquement lié à ce qu'il signifie, ce lien constituant son être même (de relation). Et il en a toujours été ainsi jusqu'à ce que la modernité avec son nominalisme coupe la réalité en deux et isole le monde créé du monde spirituel, conception du monde que les protestants feront leurs et c'est pourquoi ils parleront de l'eucharistie comme d'un "symbole" (irréaliste) mais en détournant ce terme de sa signification première.

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